Des tas de jeunes cadres dynamiques comme mes amis et moi, de petits jeunes sortis d'école de commerce, restent trop longtemps dans des boulots qu'ils détestent. Pourquoi ? Selon mon expérience personnelle, admettre la souffrance au travail, c'est admettre un échec. Des mauvais choix ont été faits et/ou nous sommes trop faibles pour le monde du travail. On culpabilise.
Ensuite, notre éducation, la société, veut que les emplois de bureaux soient plus faciles, moins fatiguant qu'un grand nombre d'autres métiers (ce qui est vrai, sur le plan physique). La reconnaissance de l'ennui, de la souffrance, me parait donc plus compliquée.
Enfin, un petit syndrome de Stockholm ne me parait pas complètement incongru (et ce n'est pas une blague).
De fait, j'ai vrillé, je m'en vais.
Loin de moi l'idée de vous écrire un article inspirant sur le fait de quitter son travail pour poursuivre un rêve de tour du monde et envisager une reconversion professionnelle dans la permaculture. Nope, je laisse ça aux génies de Linkedin.
Néanmoins, à l’heure où j’écris ces lignes, il me reste très exactement
20h de « travail ».
Je vous passe les détails du pourquoi du comment je m’en
vais (les vrais savent comme on dit), mais j’avais envie d’écrire quelque chose
sur le monde du travail, et sur ces mensonges et paradoxes qu’on s’impose au
quotidien.
Peut être que si on arrêtait de faire ce genre de choses, le monde en serait un peu meilleur.
Peut être que si on arrêtait de faire ce genre de choses, le monde en serait un peu meilleur.
Mettre son boss en copie d'un email :
Je ne jetterai pas la pierre à ces gens, mettre son boss en copie d'un mail ça arrive même aux meilleurs. En effet, c’est une
pratique souvent efficace pour faire avancer un projet et c'est souvent le dernier recours (on appellera ça la pratique de "l'Agence tous risques"). Mais dans les faits, ça me
donne juste envie d’insulter la personne à coups de « Ah sale batard, tu vas
pleurer dans les jupes de ta mère et tout dire à ton père ! ».
Le "ça va ? " de politesse :
Exemple concret : « Allo Elsa, c’est machine, tu vas bien ? ».
Premièrement, j’ai vu que c’était toi machine, ça s’affiche sur mon téléphone
et deuxièmement, je sais bien que tu me demandes si je vais bien pour être
polie mais que dans les faits tu ne me laisses même pas le temps de prendre ma
respiration pour répondre. Quand on me demande ça au téléphone j’ai juste envie
de répondre « Bha écoute, ça allait bien jusqu’à présent mais si tu m’appelles
c’est que t’as un truc à demander et là j’ai pas trop envie ».
Recevoir un appel à 16h52, quand on a prévu de partir à 17h :
Comprenez-moi bien, je parle
vraiment de ces jours où, beaucoup trop fier on se dit « Ouais,
aujourd’hui j’emmerde le monde, à 17h je suis partie ». Manque de pot, machin qui appelle et il a besoin de répoooonses. On peut se
dire que c’est pas de leur faute, qu’il ne savaient pas et qu’au fond, ce sont
seulement des employés dévoués, mais non, c’est un complot.
Dire "je ne peux pas te laisser dire ça" quand on entend un collègue rager :
Rager en entreprise, c'est normal. Un collègue qui ne comprend rien à votre travail, des promotions canapés, des projets au point mort ... Le monde du travail à vocation à nous torturer (je ne vous refais pas l’étymologie du tripalium hein...). Laissez donc vos collègues rager, ça fait du bien et tant qu'ils ne mentent pas, "c'est ok" comme dirait ma thérapeute.
"Aujourd'hui, je ne pars pas tard. 18h30 max" :
Je ne me souviens pas de la dernière fois où j'ai fini à 18h30. Pas que ce soit très tard hein, mais si pour vous 18h30 c'est partir tôt, je ne peux que vous conseiller de vous poser des questions. Je me souviens moi aussi de l’époque
bénie où je restais jusqu’à 19h au taf puis que j’allais boire des bières avec
les collègues au bar d’en bas. C’est un temps révolu, pour le moment.
Faire de grands coucous à une personne avec un casque sur les oreilles :
Ce qu’il faut comprendre c’est que les
écouteurs sur les oreilles sont le signe international de « ne me parlez
pas ». La seule façon de le faire comprendre plus clairement
c’est de porter en plus des lunettes de soleil. Donc, quand un sombre vilain (au sens DC Comics du terme)
vient me tirer de ma musique pour me poser une question débile sur un
sujet que je n’ai de toute évidence pas suivi, je suis hors de moi.
Imaginez un peu la scène : Je suis là à mon bureau "minding my own business" comme on dit, casque Focal vissé sur les oreilles. J'écoute le morceau Peaches en Regalia de Frank Zappa et là, c'est le drame. Un énergumène se dresse face à moi, entre mes 2 écrans et me fait de grands gestes pour me demander de retirer mon casque en riant l'air de dire "HAHA Elsa, ça fait 2h qu'on te parle, réponds enfin". La plupart du temps, je finis par retirer mon casque et on me demande si j'ai vu le dernier GoT. Non, juste non. Les gens n’ont plus de respect
de rien.
Voici exactement l'effet que ça me fait |
Le changement de ton soudain dans un email :
La conversation commence par un « Yop Ginette tu peux me
faire ça stp ? » et se termine par « Au vu de la réponse
apportée par ton supérieur hiérarchique, je te saurai gré de bien vouloir
réaliser la tâche évoquée précédemment ». Pouf, plombage d'ambiance.
C’est la mise plus bas que
terre par le verbe. Technique qui permet d’exprimer son agacement sans
employer le terme « grosse tepu » à tout bout de champ. Je maîtrise cette
pratique avec brio, mais je déteste quand cela se retourne contre moi
évidemment. « Ah la tepu elle a sorti son Larousse ».
Ce changement de ton va d'ailleurs de paire avec l’utilisation abusive
du conditionnel. « Peut-être aurais-je mal compris ? ». Celle-ci
ayant évidemment vocation à poser des questions rhétoriques pour mettre l’interlocuteur
opposé mal à l’aise. SMART.
L'obligation d'apporter les croissants :
Il existe une sous espèce d'êtres humains, celle de ceux qui
réclament des croissants pour n’importe quelle occasion (pot de départ,
arrivée, anniversaire, promotion, vacances, naissance, divorce….) et qui finalement répondent « Ah non merci, je fais attention » ou « Y’a
plus de pains aux raisins ? » devant le fait accompli. Mais putain mais qui mangent des pains
aux raisins ?! Elle te va pas ma brioche à la praline là ?
Heureusement que je m’appelle pas John Ford sinon je t’aurais fait un remake
des raisins de la colère connard !
Le mec qui tente de s'intégrer à la conversation :
Il débarque dans le bureau. Il a besoin de relations sociales et a un avis sur tout. Ou une blague. Ou une anecdote salace. Ou une remarque sexiste. Dans le meilleur des cas, on lui répond pour être poli ou on lâche un "meeeeh" voulant dire "j'ai pas compris".
"Vous regardez pas Games of Throne? Mais attendez, vous qui faites du marketing, ça devrait être un sujet d'étude ! Et puis mine de rien, la petite Sansa là, elle est plutôt mignonne. Si ça tenait qu'à moi... Oulalala ! Enfin c'est un peu comme Alice de la compta quoi... Fiiiiiuu".
Les collègues qui ont des conversations qui devraient rester entre eux, dans le couloir :
En général, ils ont cette capacité à parler très fort, comme si ils étaient seuls, et à donner des petits surnoms à tout le monde. « Bon alors sur le dossier PDM là, tu seras gentil tu me mets la blonde, et
si ça fait pas l’affaire tu mets Gribouille avec. Les branques du marketing par
contre, t’évites ». C'est le type de conversations qui me fait réagir par un "woké" de circonstance.
On a aussi la version où c'est toi, depuis ton bureau qui te dis "je n'aurais pas du entendre ça" et où tu culpabilises presque. "Alors celle-ci, tu lui envoies un contrôle tu seras gentil. Elle a voulu faire chier en se mettant en maladie, mais bibi il est pas con hein! Ah ça non, bibi il maîtrise". Le respect est partie en maladie et a posé sa démission
dans la foulée.
Les invitations à des réunions le vendredi à 14 h :
Ne faites pas ça, merci. Poser une réunion à 14h un vendredi, c'est avoir la certitude que votre interlocuteur sera en retard ou saoul, ou les deux. Et puis c'est vil, c'est cruel, c'est clairement chercher la merde ...
Dans les faits je milite pour qu'on puisse mettre des réunions à 14h un vendredi sans risquer de devoir la décaler, mais à partir du moment où on sait que ça n'arrivera pas.... évitons, merci.
Le "ce n'est pas dans ma fiche de poste" :
Une personne qui est obligée de se référer à sa fiche de poste c'est (et je m'en suis rendue compte un peu tard), une personne probablement en détresse qui ne sait plus quoi faire pour éviter les tâches ingrates. Néanmoins quand on te répond ça à un email, ça sonne comme de la mauvaise foi caractérisée. C'est frustrant, ça ne fait pas avancer le schmilblick.
Les conversations de toilettes :
Quel que soit le contexte, j'ai une aversion profonde pour les conversations aux toilettes. T'es là tranquilou à te laver les mains avec application quand la comptable débarque dans les 2m2 qui séparent les toilettes de l'unique lavabo. Notons bien que cette dame, tu ne la connais pas, ou peu. Donc vous êtes là, toutes les deux, dans cet environnement restreint, aux odeurs corporelles un peu trop présentes, à vous coller pour laisser passer Nadine qui veut se sécher les mains, et à discuter de votre week end "par principe" alors que l'une veut aller pisser et l'autre, juste sortir d'ici. Je me demande sincèrement si les hommes font ça aussi, mais s'il vous plait, mesdames, arrêtez.
Merci de noter que l'ensemble des citations et conversations rapportées ici sont purement fictives et sorties de mon imagination débordante.
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